Bonjour
Je suis Thomas, enquêteur de L214 et auteur des images de l’enquête au sein de l’abattoir Bigard de Cuiseaux. J’y ai travaillé pendant 4 mois, durant lesquels j’ai filmé une partie de la chaîne, de l’arrivée des animaux en bouverie jusqu’à leur mise à mort et aux premières découpes.
L214 avait reçu des signalements de maltraitance animale de différents employés de Bigard. Je ne vous apprends probablement rien, mais c’est très difficile de savoir ce qu’il se passe dans un abattoir. Les horreurs restent cachées entre quatre murs. Alors, lorsqu’on m’a proposé cette infiltration, j’ai dit oui. Sans hésiter. C’est grâce à une enquête de L214 que mon regard sur les animaux a changé. C’était en 2015. Avec ces images, je voyais pour la première fois l’intérieur d’un abattoir. J’ai pris conscience de l’envers du décor. En 2021, c’était à mon tour de dévoiler la réalité des abattoirs, et de faire en sorte que les cris de douleur, de peur et de détresse des animaux soient entendus.
L’embauche, l’étape la plus facile
Je n’ai pas eu beaucoup de difficultés à me faire embaucher. J’ai répondu à une offre sur Internet avec un CV assez léger et j’ai été contacté pour passer un entretien avec le vétérinaire officiel de l’abattoir. Au bout de quelques minutes, on m’a mis des vêtements de sécurité et on est allés sur la chaîne d’abattage. Le vétérinaire m’a demandé d’observer la scène. Il m’a demandé si j’avais peur du couteau ou du sang. J’ai dit non. J’ai été pris. C’était presque déconcertant.
J’ai été embauché en tant qu’agent vétérinaire, sans aucun diplôme et sans aucune expérience. Je n’ai reçu aucune réelle formation, alors que j’avais de grosses responsabilités : je devais contrôler le respect de la réglementation lors de l’abattage rituel, et inspecter des cœurs, des poumons, des têtes… afin d’y déceler d’éventuelles anomalies d’ordre sanitaire.
Immergé dans la souffrance durant 4 mois
Je ne vais pas vous mentir : ces 4 mois ont été très éprouvants, même si ce n’était rien à côté de ce que vivent les animaux.
Lors de mes premiers jours, j’ai été particulièrement choqué de voir à quel point la violence était banalisée, à quel point l’horreur avait lieu dans l’indifférence. Un peu comme si, pour les travailleurs de cet abattoir, commettre des actes aussi difficiles au quotidien ne les rendait plus maîtres de leurs pensées.
Pendant 4 mois, j’ai dû supporter le regard des vaches avant qu’elles ne se fassent égorger. Les odeurs de sang. De pus. Chaque jour, je tranchais des centaines de cœurs encore chauds, de manière si mécanique, si répétée, que j’en venais parfois à ne plus faire le lien avec l’animal et à perdre de ma lucidité. Pourtant, il suffisait d’un cri, un cri si puissant qu’il me traversait le corps et faisait vibrer le sol de l’abattoir, pour me rappeler que les organes que j’avais devant moi constituaient quelques minutes auparavant un être qui voulait vivre.
Tous les jours, entre les boyaux et les estomacs, je trouvais des fœtus de veaux qui auraient pu naître quelques minutes plus tard, si leurs mères n’avaient pas été abattues. Cette vision ne cesse de m’horrifier, et je me demande encore à quel moment de nos vies nous avons décidé qu’il était moralement acceptable d’inséminer artificiellement des vaches, de les envoyer pleines à l’abattoir et de prélever le sang de leurs fœtus.
Au-delà de ces atrocités faites aux animaux, j’ai également été témoin de l’impuissance, l’incompétence et la passivité des services vétérinaires de l’abattoir. Avec une interrogation lancinante : « comment est-ce possible ? »
Témoigner pour faire changer la société
J’ai souhaité témoigner à visage découvert, et j’ai accepté de répondre aux journalistes parce que je veux que ces cris soient entendus de tous. Je veux que les consommateurs puissent eux aussi faire le lien entre la vache et le steak ; que chacun et chacune d’entre nous puisse comprendre que les animaux ne sont pas des ressources que nous pouvons exploiter à souhait. J’espère que ces images feront bouger les choses.
Je tiens à vous remercier infiniment pour vos messages de soutien. Je prends soin de les lire et ils me réchauffent le cœur. Ils me permettent également de réaliser à quel point nous sommes toujours plus nombreux à vouloir un monde meilleur pour les animaux.
Merci de défendre les animaux avec L214.
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