La corruption ordinaire

La lettre de Gérard CHAROLLOIS

La corruption ordinaire

L’argent putréfie la démocratie dans les pays qui ont la chance de ne pas avoir des dirigeants dictatoriaux, criminels, tueurs ou embastilleurs de leurs opposants.
Sur cette planète, il y a ceux qui prostituent en achetant les élections et ceux qui violent les libertés en piétinant les droits de l’homme.
Bien sûr, les premiers sont préférables aux seconds en ce qu’ils laissent vivre leurs réfractaires.
Je ne renverrai pas dos à dos et dans la même poubelle de l’Histoire les petits affairistes et les tyrans sanguinaires.
Mieux vaut habiter dans les pays de « coquins » que sous la botte des pays d’assassins.
Néanmoins, la marche vers le progrès commande la lutte contre la corruption ordinaire, celles de ses élus qui affectent les fonds publics aux lobbies, qui se financent via les grands travaux inutiles, qui fusionnent avec le monde des affaires.
Ainsi, en France, des présidents de régions versent des millions d’euros au lobby de la chasse dont on chercherait longtemps les services d’intérêt général qu’il remplit avec cet argent détourné dans le dessein d’acheter des soutiens de réseaux.
Occasionnellement, la presse relate tel ou tel scandale : un président qui use d’un pseudonyme pour communiquer avec ses petits amis comme n’importe quel voyou basique, des députés rémunérés en valises de billets par des puissances étrangères, des collusions entre des sociétés très privées et des candidats politiques.
Il ne s’agit-là que de l’écume d’une mer de corruption car l’argent règne sur la société globalisée et la conduit à sa chute.
Les gouvernants, des chefs d’état aux petits élus locaux, se gardent bien d’éradiquer cette corruption ordinaire dont ils vivent.
Les remèdes seraient pourtant évidents et aisés à mettre en œuvre : limiter plus strictement les dépenses électorales, frapper d’inéligibilité les tricheurs, contrôler par des tribunaux impartiaux l’affectation des fonds publics, infliger aux délinquants de « haute volée » des peines effectives dissuasives.
Pourquoi moraliser la vie publique ?
Faut-il instaurer la vertu civique et la terreur pour les gouvernants et élus corrompus ?
Nullement.
Il ne s’agit pas de manifester ici un prurit de puritanisme de probité.
C’est la Nature, le biocentrisme, la viabilité de la Terre qui nous inspirent cette juste colère contre les corrompus.
Car la corruption est source des massacres de faune, de flore, de saccages des milieux naturels. Elle est pourvoyeuse d’infrastructures spéculatives, de pollutions infinies, d’exploitations monstrueuses.
À MONTRÉAL se tient la COP15, regroupant près de 180 pays au chevet de la biodiversité.
À l’heure où j’écris ces lignes, la conférence n’est pas terminée.
Mais les résultats concrets sont déjà connus.
Le monde de l’argent et des lobbies ne peut pas sauver la vie.
En revanche, il aime disserter sur le climat.
Pourquoi ?
La « décarbonation » affichée permet de spéculer, d’aménager, de développer des firmes, des filières donc des profits.
Des centaines de millions de dollars ou d’euros sont en jeu derrière le paravent des « énergies renouvelables ».
Or, seule cette spéculation intéresse les dirigeants biberonnés au lait du profit.
Nombre d’écologistes se font berner par cette récupération par le monde des affaires d’un thème ressassé : « investissons pour sauver le climat » !
Comment ?
En détruisant des milieux naturels et de la biodiversité.
Protéger les espèces animales, les forêts naturelles, les rivières sauvages ne rapporte rien, en terme financier.
Mais implanter des éoliennes, des champs de photovoltaïques en consommant des centaines de milliers d’hectares de nature offre des sources de gains nouveaux pour les firmes et seul cela compte pour les décideurs.
D’aucuns proposaient, ce qui eut été heureux, pour la COP15 en faveur de la biodiversité, de placer 30% des surfaces de la Terre en zone de protection.
Très bien.
Mais : quelles zones ? quelle protection ?
En France, la majorité de nos parcs nationaux sont à 2000 mètres d’altitude, en des sites qui ne dérangent pas trop.
Quelle protection ?
Des conservatoires para-publics achètent des terrains littoraux et lacustres pour y accueillir la chasse/massacre de l’avifaune aquatique.
Rêvons un peu.
Vous imaginez comme tout changerait si chez vous, dans votre commune, 30% de la surface communale était mise en zone de protection véritable !
La Nature sera gagnante, mais aussi votre qualité de vie.
Votre maire protesterait et refuserait de devenir une « réserve d’indiens » et le promoteur local s’insurgerait de ne pas pouvoir faire son petit lotissement, bien évidemment, « modeste, bien intégré, très écologiquement responsable » !
Ainsi, quand les dirigeants parlent « d’environnement », ils mentent faute de pouvoir enrayer la marée de la spéculation ordinaire dont ils sont les agents, les bénéficiaires, les complices.
Alors, c’est foutu ?
Hélas, ami lecteur, je le crains.
Un pessimiste n’est jamais qu’un ancien optimiste devenu réaliste.
Que cela ne vous empêche pas de faire votre devoir d’homme hominisé : sauvez la Nature quand et partout où vous le pouvez.

Gérard CHAROLLOIS
Convention Vie et Nature

Nous, les sans voix

Le vacarme de la propagande s’intensifie sur le thème : « la France se paupérise, perd son industrie, paie cher son énergie, encourt des coupures d’électricité en janvier ». Le remède : « urgent, libérer les forces vives, investir massivement, saccager les sites et les espaces naturels, vaincre la réticence des riverains grincheux soucieux de défendre leur environnement au besoin en achetant leur soumission par des promesses de rabais ».
Le pouvoir politique en place, docile serviteur du monde de l’argent, et certains écologistes politiques obnubilés par la technophobie, veulent couvrir le pays d’éoliennes et de champs photovoltaïques en niant notre droit à survivre. Nous, les oiseaux, les chiroptères, les forêts, les zones humides, déclarons que nous sommes tellement las de votre mépris, de vos agressions, de vos privations d’espaces vitaux que nous vous informons de notre disparition prochaine. Vous, homo-economicus, cupides et bêtes à croire que l’argent est la vie, vous vivrez demain sur un astre stérilisé qui saura, votre tour venu, se débarrasser de vous. Vous vous effrayez déjà d’une crise climatique résultant de vos activités agricoles et industrielles et de votre surpopulation, mais la mort de la biodiversité qui vous indiffère ne fait qu’annoncer votre chute. L’évolution vous avait doté de capacités cognitives supérieures, mais vous en avez fait un bien mauvais usage. Vous avez besoin d’énergie pour assurer, ce qui est très légitime, votre confort, votre aisance, vos besoins vitaux, ludiques et récréationnels. Nous aurions pu vivre en harmonie pour peu que vous ayez célébré la vie et non le profit.
Nous, les autres vivants, comprenons parfaitement votre quête d’un hédonisme salutaire s’il demeurait altruiste et respectueux du Vivant.
Mais en nous niant, en considérant notre disparition comme dégât collatéral, en pensant que notre sauvegarde est subalterne, vous commettez une faute morale et une insulte à votre propre devenir. Qu’avez-vous à souiller et stériliser la terre par vos infrastructures, alors que vous pouviez partager l’espace et nous laisser une place à vos côtés. Vous voulez, en ces jours tourmentés, de l’énergie électrique. Nous pouvons nous en accommoder pour peu que vous isoliez les câbles de transport de cette énergie. Vous possédez des neurones aux multiples synapses qui vous ont fait accéder à bien des connaissances et des maîtrises dont vous pourriez faire un meilleur usage. Ainsi, la fusion nucléaire, exempte de tout déchet et de tout risque d’accident, allait vous permettre de produire une énergie d’une puissance inégalée en limitant l’emprise sur nos espaces vitaux. Qu’avez-vous besoin d’implanter partout des hachoirs à oiseaux et à chauves-souris, à abattre des forêts, à transformer des prairies en centrales énergétiques ? Nous ne vous faisons point grief de votre maîtrise mais de votre cupidité, de votre cruauté et finalement de votre manque de sagesse. Mettez votre science au service du vivant et dans tout choix, incluez d’abord la sauvegarde de la richesse biologique de la planète. Homo-economicus, vous assassinez la biosphère dont vous n’êtes qu’une composante. Vous ne faites pas qu’enlaidir le monde, vous l’endeuiller et le rendez incompatible avec la vie.
Notre acte d’accusation vous reproche de n’être pas homo-sapiens. La loi sur l’accélération des énergies renouvelables n’accélère que le processus d’artificialisation et d’anéantissement. Aujourd’hui, nous les oiseaux, les chiroptères, les arbres et la beauté du monde, vous exprimons notre protestation solennelle.

Prenez garde ! Celle-ci pourrait demain se muer en malédiction.

Gérard Charollois
Convention Vie et Nature

La biosphère malade de l’homme

La biosphère malade de l’homme

A la limite de la DORDOGNE et de la CHARENTE, dans la forêt de la DOUBLE, survivent certains arriérés, amateurs de chasses et de traditions.
Durant tout l’été, un de ces ennemis de la Terre passait ses nuits à incendier les bois, autour de la petite commune de LA ROCHE-CHALAIS, sans pouvoir être neutralisé ni identifié.
Dans le même secteur géographique, un autre malfaisant vient de cribler de plombs une cigogne blanche.
Ailleurs, leurs semblables massacrent les loups, les ours et les lynx en toute impunité.
Pourquoi l’idiot de village éprouve-t-il une pulsion de mort le déterminant à brûler et ensanglanter ?
Ce qui le détermine tient à l’illusion de la puissance, de la domination, de la réassurance, de la consolation de n’être que ce qu’il est.
En ôtant la vie, il s’imagine accéder à la maîtrise salvatrice de son néant.
À l’autre extrémité de la pyramide sociale, l’oligarque milliardaire ami des présidents promeut, bétonne, bitume, édifie des lotissements, des complexes touristiques, des forages pétroliers, des empires financiers fondés sur l’exploitation, donc la destruction de la Nature.
Lui aussi soigne son néant et sa vulnérabilité par l’illusion d’une maîtrise absolue, d’une domination, d’une emprise sur le monde.
L’humain se conçoit comme un animal rationnel, alors qu’il n’est que le jouet de ses instincts.
Rien de plus ou de moins que tout autre animal.
Différence de degré, mais pas de nature.
Lorsque l’instinct commande, la raison se tait.
Petit exemple concret : interrogez votre maire sur ses projets pour sa petite commune.
Il vous dira travailler à son développement, à l’augmentation du nombre de ses habitants.
Pourquoi et dans quel but accroître la démographie locale ?
Combien veut-il d’administrés ?
Il n’y a aucune réponse rationnelle et d’ailleurs, nul ne songerait même à lui poser la question.
Le dogme enseigne qu’il faut croître et la croissance devient le but.
Cette croissance infinie, indéterminée, inintelligible n’a pas plus de raison d’être que le geste du demeuré qui tue une cigogne, une chouette ou un milan et qui incendie une forêt.
Les esprits formatés anesthésient les consciences sur le thème d’une limitation prochaine de la croissance démographique mondiale.
Or, la bombe démographique n’explosera pas demain.
C’est aujourd’hui que l’espèce ne laisse plus d’espaces aux autres espèces et l’immense défi ne réside pas dans l’augmentation du taux de carbone dans l’atmosphère mais dans la sixième grande extinction du vivant .
L’altération du climat, prétexte pour les libéraux à de spéculations nouvelles, est un facteur de cet appauvrissement biologique.
Mais elle n’est pas la seule cause de la mort de la biosphère.
Le comportement déprédateur de l’homo economicus représente une menace létale sur la vie.
Le cerveau reptilien prend trop souvent le gouvernail et la maîtrise acquise par l’homme se retourne contre la viabilité de la planète.
L’impasse prévisible de l’aventure humaine tient à ce caractère thanatophile de l’espèce qui ne sait pas mettre ses capacités cognitives supérieures au service de la vie.
La biosphère est malade de l’homme.
Dommage !
Comme me le disait Théodore MONOD, dans quelques millions d’années, l’ère des poulpes sans doute plus prometteuse.
Car que veut la vie apparue il y a trois milliards d’années sur la planète ?
La vie veut la vie, mais l’animal humain ne l’a compris que par le prisme onirique des religions inventées pour satisfaire en pur fantasme cet impératif.
Parce qu’il n’est ni totalement bon, ni totalement puissant, mais vulnérable et éphémère, l’homme a créé des dieux à son image inversée.
Il rêve de paradis d’arrières-mondes, tout en faisant du vrai et seul monde un enfer peuplé de chasses, de corridas, de guerres, d’exploitations, de violences domestiques et sociales.
Pas de quoi être fier.

Gérard CHAROLLOIS
Convention Vie et Nature

Gérard Charollois, né le 22 février 1951 à Saint-Vallier (Saône-et-Loire), est un juriste et un militant écologiste français. Il est le président et cofondateur du mouvement Convention Vie et Nature pour « une écologie éthique et radicale » et pour « le respect des êtres vivants et des équilibres naturels ».