Par Philippe LE PONT
Tout le monde, ou presque, connait ces photos de Robert Doisneau. Elles datent des années 1950. Ce sont de belles photos, elles n’ont rien, susceptible de choquer ou de susciter une quelconque méfiance vis-à-vis du photographe. Et pourtant, aujourd’hui il est devenu impossible de prendre ce type de clichés sans s’exposer à des risques de poursuites. Cela veut dire que la saisie d’un moment de vie dans l’instantané est devenue impossible. Dans une vidéo faite lors d’une interview de Sabine Weiss, photographe humaniste, interrogée par Laurent Breillat, cette grande artiste connue dans le monde entier, a raconté comment elle a été menacée par trois hommes parce qu’elle avait photographié une petite fille qui avait le nez collé à une vitrine. Le moment était intéressant et l’artiste a voulu le saisir. Cet épisode est très récent et Sabine Weiss à aujourd’hui 96 ans. Cela fait près de 80 ans qu’elle fait de la photo pour son œuvre connue du monde entier. Cet épisode est révélateur d’une triste réalité. La liberté de parole est limitée par le risque de se voir attaqué pour un oui ou pour un nom, vous ne pouvez plus prendre une photo innocente, les auteurs de films se censurent de peur d’un refus des salles de projection, les professeurs n’osent plus parler de religion par peur de leurs élèves et si par malheur un bout de sein dépasse d’une photo sur Facebook, sur Twitter ou autres, votre compte est immédiatement bloqué. Nous vivons dans un monde de plus en plus aseptisé. La plus petite plaisanterie est immédiatement qualifiée de sexiste ou de raciste par des associations en permanence à la recherche de victimes à trainer devant les tribunaux. Ces mêmes associations qui vous expliquent qu’elles défendent les libertés individuelles… cherchez l’erreur ! Il y a quelques semaines, un mouvement naissant était près à déboulonner la moitié des statuts de personnalités historiques, qui ont fait notre histoire, parce que ces femmes et ces hommes à un moment de leur vie ont eu une attitude qui aujourd’hui ne serait plus acceptée. Faut-il pour autant cacher notre histoire ? Surement pas. Il y a quelques jours, des grands penseurs nous ont expliqué qu’il fallait bannir certains grands compositeurs de musique classique pace que, parait-il, « ils auraient eu une proximité » avec l’extrême droite de leur époque. Encore plus près de nous, Des fournisseurs de produits informatiques ont clôturé les comptes d’une personnalité politique sans aucune réaction sérieuse de la société. Certes, le personnage en question est peu recommandable, mais est-ce à une entreprise privée de dire ce qui est juste et ce qui ne l’est pas ? Là encore c’est non. Le monde glisse doucement mais surement vers une forme de terrorisme intellectuel. Demain, si nous n’y prenons pas garde, un simple sourire donné dans un couloir ou dans un ascenseur pourrait nous envoyer tout droit au tribunal accusé de sexisme ou d’attentat à la bonne morale ou de je ne sais quoi encore.
Philippe LE PONT